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Foire aux questions

Écrit par : SVT Égalité

 

– Pourquoi s’occuper de la transmission de valeurs ? Le rôle de l'école n’est-il pas d'instruire, de transmettre un savoir ?
– Je ne suis pas raciste ni sexiste. Comment mon enseignement pourrait-il l'être ?
– Pourquoi les stéréotypes entraîneraient forcément des discriminations ? 
– Le « genre », qu’est-ce que c’est ?
– Puisque « les races » n’existent pas, comment peut-on parler de discriminations fondées sur « la race » ?
– Pourquoi utiliser les termes « blanc·he·s » et « noir·e·s » si les races n’existent pas ?

 

 

Pourquoi s’occuper de la transmission de valeurs ? Le rôle de l'école n’est-il pas d'instruire, de transmettre un savoir ?

L’élaboration et la transmission du savoir ne sont pas neutres. Tout savoir est « situé » : le savoir enseigné dans le cadre de l’Éducation nationale et celui qu’on trouve dans les manuels scolaires est le produit de chercheur·e·s et de pédagogues imprégné·e·s des « évidences » de leur époque, qui reflètent elles-mêmes les rapports de domination à l’œuvre.

Ces « évidences » sont transmises au travers de représentations et d’un langage indissociables de ce savoir, le plus souvent inconsciemment. C’est ce qu’on appelle le curriculum caché ou latent. Par exemple, la manière dont on présente la fécondation chez l’être humain témoigne à la fois de l’omniprésence des représentations sexistes sur ce sujet, et du savoir biaisé qu’elles entraînent. En effet, certaines réalités sont occultées, à la fois parce que les recherches sur le sujet ont été orientées par ces représentations, et parce que cela rend l’histoire plus « cohérente » dans la mesure où elle ne va pas à l’encontre de nos représentations (voir « La fécondation : deux gamètes et beaucoup de stéréotypes »).

Si l’on souhaite transmettre un savoir aussi scientifique que possible, il importe donc de s’interroger sur ses propres biais. À la manière de l’article cité, ce site s’efforce de remettre les évidences en question, et de proposer des alternatives, pensées pour tâcher de ne pas reconduire les discriminations et les normes qui leur sont attachées.

 

Je ne suis pas raciste ni sexiste. Comment mon enseignement pourrait-il l'être ?

Le racisme ou le sexisme ne sont pas réductibles à leurs formes les plus extrêmes et assumées, aisément identifiables. Il en existe des manifestations plus insidieuses, d’autant plus efficaces qu’elles sont à la fois plus difficiles à repérer et plus complexes à démonter. On les appelle racisme et sexisme « ordinaires », voire « bienveillants » : ce sont des représentations, propos et comportements discriminants. Cependant ils ne sont pas identifiés comme tels parce que l’on considère qu’ils ne sont pas dommageables. Et pourtant, leurs effets négatifs sont réels.

Il s’agit des stéréotypes que nous connaissons tou·te·s pour y avoir été confronté·e·s dans notre éducation, à l’école, dans nos loisirs, dans les médias. En dépit des valeurs que nous défendons, ils ont des effets sur nos représentations mentales, sur la représentation des personnes discriminées dans les livres et les manuels scolaires, sur le comportement des professeur·e·s.

Faire preuve de ce racisme et de ce sexisme « ordinaires », c’est, sans même s’en rendre compte, ne représenter des personnes non blanches que lorsqu’il est question de sport, de diversité ou de malnutrition ; c’est accompagner davantage les garçons que les filles dans les raisonnements mathématiques, tout en étant persuadé·e de les traiter de la même manière ; c’est leur proposer, à résultats identiques, des orientations différentes, etc. Ces différences de traitement et leurs effets ont été étudiés à de multiples reprises (effet Pygmalion, menace du stéréotype) : elles sont le fait de tou·te·s les enseignant·e·s, de manière plus ou moins marquée et en général à leur insu. Les études ont montré que ces différences diminuaient chez celles et ceux qui en prenaient conscience et tentaient de les réduire. D’où l’importance de se sentir concerné·e a priori.

 

Pourquoi les stéréotypes entraîneraient forcément des discriminations ?

Un stéréotype est une croyance concernant les traits de personnalité ou les comportements d’un groupe de personnes. La discrimination survient quand on utilise le stéréotype sans s’adapter à la spécificité de l’individu et que cela lui porte préjudice (voir « Les stéréotypes ») :

– Quand on prête, le plus souvent inconsciemment, à une personne, les qualités et attitudes stéréotypées du groupe auquel on la rattache, sans voir ses caractéristiques propres (« elle est issue d’un milieu défavorisé, l’école ne l’intéresse pas ou elle n’ira pas très loin dans les études »), qu’on modifie son comportement en conséquence, y compris inconsciemment (en la faisant moins participer et en l’accompagnant moins dans l’enseignement), que cette personne se retrouve lésée (dans ses résultats et sa confiance en elle), qu’elle se démotive et vienne confirmer le stéréotype. C’est l’effet Pygmalion.

– Quand un stéréotype négatif fait baisser les performances des personnes touchées par ce stéréotype (la même épreuve est moins bien réussie par les noir·e·s quand elle est présentée comme un test d’intelligence que comme une manière de fournir de la matière expérimentale). C’est la menace du stéréotype.

– Quand le stéréotype fonctionne comme une norme et qu’on attend d’une personne qu’elle s’y conforme (« un garçon, ça ne pleure pas »).

– Quand, pour un même comportement ou les mêmes aptitudes, on jugera ou on se comportera différemment avec deux personnes associées à deux catégories différentes (parmi les « bon·ne·s élèves », on choisira une fille pour rappeler un savoir, un garçon pour élaborer un savoir nouveau), y compris sans en avoir conscience. C’est le double standard.

 

Le « genre », qu’est-ce que c’est ?

On utilise souvent le terme « genre » pour désigner le sexe dit « social », et le distinguer du sexe dit « biologique ». 

Dans ce sens, le sexe « social », ce sont des caractéristiques (comportements, aptitudes, etc.) ou des normes reconnues comme « féminines » et « masculines » par une société à un moment donné : elles varient dans le temps et l’espace, en fonction des époques et des cultures.

Par exemple, la répartition des métiers, quand elle existe, varie d’un pays à l’autre : alors qu’en France le tissage et la couture sont des activités principalement féminines (ce qui n’est plus vrai quand il s’agit de haute couture), elles sont l’apanage des hommes au Mali. Les stéréotypes sexuels changent également : au XVIIe siècle, on disait que les femmes avaient plus de « besoins » sexuels que les hommes. Aujourd’hui on entend l’inverse.

Soulignons un point fondamental : le fait de distinguer genre et sexe a tendance à faire passer la notion de sexe pour « objective » parce que biologique. Or l’étude biologique des sexes nous montre que quel que soit le caractère que l'on étudie (chromosomique, génétique, gonadique, hormonal, phénotypique), la délimitation entre masculin et féminin n'est pas nette (c'est ce qu'on appelle, dans des cas flagrants ou invisibles, l'intersexuation, qui remet en question la catégorisation binaire actuelle des personnes en sexe « féminin » et sexe « masculin »). Finalement, l’assignation du sexe dit biologique est elle-même subjective et relève de normes sociales. Autrement dit, le sexe est déjà du genre.

Le genre est, comme la race, au fondement d'un rapport de pouvoir : masculin et féminin sont définis l’un par rapport à l’autre et hiérarchisés, liés à des stéréotypes (voir « Les stéréotypes ») qui sont à l’origine de discriminations (voir « Les inégalités de genre »). Le concept de genre permet donc d'étudier les mécanismes de la représentation des sexes, et les conséquences qui en découlent. Il permet de remettre en cause le caractère « naturel » ou « biologique » de ce qui est en réalité le résultat de constructions sociales.

 

Puisque « les races » n’existent pas, comment peut-on parler de discriminations fondées sur « la race » ?

Toutes les tentatives de diviser l'espèce humaine en groupes distincts aboutissent à des concepts variés, dénués de la moindre pertinence et donc inutilisables. Autrement dit, le concept de « race » n'existe pas en biologie pour l’espèce humaine.

Les races ne sont en définitive « qu’une » invention destinée à catégoriser des groupes de personnes pour instaurer une hiérarchie et justifier ainsi des rapports de domination (la colonisation, l’esclavage, l’exploitation des colonisé·e·s). Leurs effets ravageurs ont laissé un héritage : les discriminations ethno-raciales. Ainsi, si la race n’est pas une réalité biologique, elle n’en est pas moins une réalité sociale qu’il est essentiel de pouvoir nommer pour identifier les discriminations ethno-raciales (intentionnelles comme inconscientes) et les prévenir. Parler de discriminations de race met en évidence le fait que la société discrimine les individus sur la base de catégories de races – ce qui se passe quand on fait référence à une « race noire » ou à une « race blanche » (voir Pourquoi utiliser les termes « blanc·he·s » et « noir·e·s » si les races n’existent pas ?)

La race est un concept de sciences humaines et sociales qui permet de nommer ce qui fonde la construction de catégories de personnes sur la base de critères physiques (phénotypiques) que l’on a appris à considérer comme particulièrement marqués, et que l’on associe à des caractères réels ou supposés (nom, accent, attribut vestimentaire, religion, culture, croyances...) et à des stéréotypes négatifs à l’origine de discriminations.

Le terme « Arabes » est représentatif du rapport plus ou moins imaginaire que la race entretient de manière opportuniste avec la réalité : il comprend les Berbères, qui ne sont pas arabes, comme les Iranien·ne·s, pourtant majoritairement perses dans leur ensemble, sans compter qu’on utilise ce terme pour opérer une confusion entre arabe et musulman·e, deux qualités dissociables (l’Indonésie est le pays qui compte le plus grand nombre de musulman·e·s, et la population arabe comporte nombre de personnes chrétiennes ou juives).

Ainsi, si les stigmates raciaux varient selon le contexte, c’est toujours au service d’une hiérarchie entre des groupes sociaux : « Je suis de la race de ceux qu’on opprime », écrivait le poète de la Négritude Aimé Césaire, français et martiniquais. L’oppression est la raison d’être de la race.

 

Pourquoi utiliser les termes « blanc·he·s » et « noir·e·s » si les races n’existent pas ?

La référence à la couleur de peau n’est, pas plus que la race (a fortiori une race fondée sur la couleur de peau), pertinente pour regrouper les populations humaines. On sépare ainsi des personnes dont la pigmentation de la peau est similaire. Le nom « noir·e » ne renvoie pas (ou pas seulement) à une couleur de peau : les Tamoul·e·s ou les Aborigènes d’Australie ont la peau aussi pigmentée que celle des Malinké·e·s, et pourtant ils et elles ne sont pas désigné·e·s par le nom de « noir·e·s ».

De la même manière, on réunit des personnes dont la pigmentation de la peau est différente : on va considérer qu’un·e Peul·e a la peau « noire » alors qu’elle est bien moins pigmentée que celle d’un·e Tamoul·e. La pigmentation de la peau n’étant pas un caractère discret mais continu, toute séparation est purement arbitraire et subjective. La pigmentation de la peau est un prétexte arbitraire pour définir les « un·e·s » et les « autres », les premiers ne s’étant définis qu’à rebours comme n’étant pas « les autres ». Ainsi « blanc » n’est pas une couleur de peau (la peau des « blanc·he·s » étant d'ailleurs loin d'être blanche) : c’est le terme qui a servi, à rebours, à nommer le groupe des personnes qui justifiaient leur exploitation des « noir·e·s » au temps de la colonisation et de l’esclavage par la hiérarchie des races. « Si vous insistez pour être blanc », disait l'écrivain états-unien James Baldwin, « je n'ai d'autre choix que d'être noir ».

Cependant, si la race est sans fondement au sens biologique, elle a des effets concrets et qu’on ne peut ignorer sur la base du fait que leur origine serait « imaginaire ». La race hiérarchise les personnes, qu’elle catégorise : nous qualifions de « racisées » (ou « non blanches ») les personnes qui sont de fait la cible du racisme (intentionnel ou non). Les stigmates raciaux leur assurent des discriminations à l’échelle de la société française, tandis que les « blanc·he·s », du fait de constituer la « norme », tirent les privilèges qui lui sont associés dans la même société : la légitimité, la valorisation, la surreprésentation.

En ce sens, les « blanc·he·s », les « noir·e·s » ou les « non-blanc·he·s » sont les groupes sociaux qui résultent des constructions et des pratiques discriminantes racistes.

- EN COURS DE RÉDACTION -